PAR L’HERMÉNEUTIQUE DE L’ART
par HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art
Je suis compassion, une oeuvre de Chantale Guy expliquée par l’herméneutique de l’art
Je suis compassion de l’artiste Chaguy est une acrylique sur toile d’une dimension de 24 x 18 pouces. L’oeuvre est présentée dans une variété de couleurs vives.
C’est une oeuvre qui a été modifiée. Un fort sentiment de joie reste néanmoins exprimé et n’a pas été altéré, malgré les modifications.
A l’origine, les yeux n’étaient pas bruns, mais bleus, et il n’y avait pas non plus de mont représenté sur le bord du chapeau; ce qui donne une lecture différente du tableau entre l’oeuvre d’origine et l’oeuvre modifiée. La modification occasionnelle d’anciennes peintures est une façon d’affiner une perception du monde. Quand il est instinctif, il signe des changements dûs aux cycles de la vie et d’évolution personnelle.
L’oeuvre sous la loupe de l’herméneutique de l’art
Le cerf est l’un des animaux symboliques les plus importants des anciennes cultures du monde. Grâce à sa ramure comparable à un arbre, et qui se renouvelle périodiquement, le cerf est un symbole de la vie qui se perpétue, du renouveau et du passage du temps. Il évoque la fécondité, les rythmes de croissance, les renaissances. Dans l’ancienne Chine, à cause de l’analogie phonétique de son nom avec le mot qui signifie « richesse », le cerf est un bon présage. Il est aussi un symbole de piété filiale; une histoire très connue raconte qu’un jeune homme avait dû se revêtir d’une peau de cerf pour recueillir du lait de biche, et guérir ainsi ses parents aveugles. Le cerf d’or est une manifestation du Bouddha libéré, revenant parmi les hommes pour les délivrer de la force et de laliénation de leurs sentiments contradictoires, pour leur faire connaître la paix de l’âme propice à la méditation, à la sagesse et à la connaissance. Le cerf, peu importe sa couleur, revêt plusieurs symboles dont celle d’être le compagnon de la longévité.
Dans l’oeuvre de Chaguy, le cervidé est un animal-totem. Il veille dans son ciel comme un esprit protecteur révélé. Il est l’annonciateur de la lumière, il guide vers la clarté du jour. Il est le médiateur entre le ciel et la terre, comme le soleil levant qui monte vers son zénith. Le ciel, en bleu et blanc, visible dans l’oeuvre de l’artiste, annonce des couleurs mariales et exprime le détachement des préoccupations purement terrestres, tout autant que la douceur et la compassion. L’âme libérée – ou l’esprit – monte ainsi vers le monde divin. On y retrouve donc, inconsciemment, une croyance spirituelle chez l’artiste, avec l’association des significations symboliques.
La femme ainsi que le cerf de la peinture sont interpellés par celui ou celle qui regarde l’oeuvre. Ils regardent le spectateur de façon franche et directe, sans faux-semblant. La peinture elle-même considère celui ou celle qui la détaille. Les personnages sont sensibles à l’effet de regarder, d’observer et d’étudier, les réactions de l’autre. Le regard apparaît comme le symbole et l’instrument d’une révélation. Il est un réacteur et un révélateur réciproque du regardant et du regardé. Le regard d’autrui est un miroir qui reflète deux âmes. Le regard est comme la mer, changeant et miroitant, reflet à la fois des profondeurs et des surfaces. Les deux protagonistes de la peinture sont en lien, pour jouer ensemble de leur regard sensible sur ce monde d’apparences dans lequel nous nous débattons. Serait-ce un regard posé sur nous pour tenter de savoir où nous avons caché notre compassion ? Le titre est une piste à suivre, à n’en pas douter.
Le chapeau rouge est un élément symbolique. En tant que couvre-chef, il correspond à la couronne, signe du pouvoir et de la souveraineté. Il symbolise la tête et la pensée. Il est symbole d’identification. Changer de chapeau, c’est changer d’idées, avoir une autre vue sur le monde. Porter un chapeau, c’est assumer une responsabilité. Le rouge et universellement considéré comme le symbole fondamental du principe de vie, avec sa force, sa puisance et son éclat. C’est la couleur du feu et du sang. Le rouge clair est éclatant, tonique; il incite à l’action. Le rouge sombre est nocturne, femelle, secret; il représente le mystère de la vie. Les deux rouges sont visibles et étroitement interreliés entre eux. La scène sur le chapeau, qui a été rajoutée, est un élément directement en lien avec la nature sauvage de la région: la forêt boréale. Le mont rehausse le côté transcendant de cette rencontre entre ciel et terre qu’on trouvait déjà chez le cervidé à ramure. Tous les pays, tous les peuples, ont leur mont ou leur montagne sacrée. C’est une étape de la vie qui fait référence à un besoin de stabilité, à une certaine ascension vers un ciel plus libéré, plus dépouillé des préoccupations humaines et terrestres; peut-être un désir inconscient de se libérer du quotidien et de s’évader dans un monde imaginaire où les contraintes humaines n’existent pas.
Supplément d’information
La biche, le chevreuil et le cerf dans les légendes
Une légende se rattache à la biche, connue sous le nom de « La biche blanche ». Elle apparaît généralement comme un animal fantastique surgi de l’au-delà pour égarer les chasseurs. Elle est parfois métamorphe et peut se changer en superbe femme. Certaines femmes se métamorphosent, la nuit ou le jour venu, en biche blanche, à la suite d’une malédiction. Elle sert aussi de nourrice à de jeunes enfants, ou alors elle attend qu’un chevalier lui donne un baiser d’amour sincère pour prendre forme humaine. Les cerfs et biches blanches occupent une place importante dans la mythologie de nombreuses cultures. Les Celtes les considéraient comme des messagers de l’Autre Monde; ils ont également joué un rôle important dans d’autres cultures pré-indo-européennes, notamment celles du Nord. La légende arthurienne affirme que la créature arrive toujours à échapper à la capture, et que la poursuite de l’animal représente la quête spirituelle de l’être humain. Dans la religion chrétienne, le cerf blanc apparaît de manière récurrente comme une représentation de Jésus-Christ, en particulier dans les légendes de la conversion du martyr saint Eustache ainsi que dans cette de saint Hubert.
Dans la mythologie grecque, on associait la biche à Artémis, soeur jumelle d’Apollon, déesse solitaire et secrète qui incarne la chasteté.
En médecine des animaux, particulièrement la médecine du chevreuil, chez les Premières Nations, une belle histoire est relatée en rapport avec la biche qui enseigne comment la douceur peut toucher les autres d’une manière plus puissante que la violence et les paroles dures. Cette douceur peut guérir toutes les blessures et reconnecter, celui ou celle qui en use, à la montagne sacrée où l’on retrouve la communion et la communication avec le Grand Esprit.
– texte d’HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art – janvier 2021
Les Mots pour lire, une oeuvre de Chantale Guy expliquée par l’herméneutique de l’art
La lecture fait écho à l’écriture qui porte en elle une origine sacrée : celle du Verbe incarné. Dans plusieurs cultures gnostiques, la Création est envisagée comme un livre dont les créatures sont les lettres. C’est par les lettres et les mots qu’est porté le message divin primordial dont les Écritures sacrées sont les traductions interprétées par l’Homme. Aujourd’hui, la lecture (avec sa proche cousine l’écriture) a perdu le symbolisme cosmologique des lettres d’autrefois. Maintenant, elle nous permet à peine de communiquer avec l’autre. On ne s’écrit plus qu’à coup d’icônes pour souligner une idée car, avec l’informatique et l’ère du numérique, on a dû revoir le mode de transmission au quotidien. On lit, sans lire, on devine l’intonation ou l’expression du visage quand un gif souriant ou un pouce levé accompagne une demie-phrase vide de sens. On s’exprime sans réelle expression. A l’époque où l’on résume les grandes nouvelles à un titre accrocheur et une photo, à quelques lignes rédigées dans l’esprit d’économie d’espace au profit d’une publicité agressante, on ne lit plus les vraies choses. Dans l’œuvre de Chantale Guy, « Les mots pour lire », les mots écrits forment une partie de la chevelure du personnage féminin, gardienne de la transmission. Les cheveux représentent le plus souvent certaines vertus ou pouvoirs, notamment la force. Ils sont intimement reliés au concept de force vitale. La couleur rouge vient appuyer ce principe de vie avec son éclat. Le rouge est, ici, ardeur, beauté et force impulsive. Son vis-à-vis, le vert, est l’éveil de la vie ; l’espérance d’un changement. Le dynamisme de l‘œuvre se manifeste par cette chevelure de papier imprimé, de mots lus et déjà oubliés. Elle se manifeste aussi par la peinture ondulée, forme d’expression de l’artiste, qui véhicule le message à sa manière dans une subtilité visuelle codifiée. Les angles aigus sont d’autant de manière de comprendre le message cassé, fragmenté. Le regard limpide du personnage s’impose au nôtre ; il nous prend à témoin.Sommes-nous toujours capables de lire entre les lignes ou sommes-nous dans le champ ?Cet échange de regards consiste aussi à capter l’attention des visages constamment baissés sur le téléphone portable, à saisir l’instant précieux d’un regard dans lequel on peut tout lire.
Pour une lecture éclairée de l’art contemporain – Les Mots pour lire, une oeuvre de Chantale Guy expliquée par l’herméneutique de l’art – Un concept proposé par HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art – (c) Art Total Multimédia 2018
Dame Nature, une oeuvre de Chantale Guy expliquée par l’herméneutique de l’art
Dame Nature est une œuvre qui représente anthropomorphiquement la nature qui donne la vie. Cette nature généreuse est ici représentée sous les traits de la Mère qui est la sécurité de l’abri, de la chaleur, de la tendresse et de la nourriture. Cette image de femme-esprit représente la Terre, cette Mère que nous avons tous en commun, présente dans un grand nombre de cultures anciennes. Universellement, la terre est une matrice qui conçoit les sources, les minerais, les métaux. Naître, c’est sortir du ventre de la mère ; mourir, c’est retourner à la terre. Ainsi, elle enfante tous les êtres, les nourrit, puis en reçoit à nouveau le germe fécond. C’est pourquoi la Mère-Terre est considérée comme un être vivant qui est à la base de tout ce qui existe sur terre. Plus spécifiquement, dans l’œuvre de Chantale Guy, Dame Nature se présente à travers les saisons québécoises. Le vert tendre évoque le printemps timide, tandis que le vert profond celui les forêts verdoyantes en été. Le rouge, l’orange et le jaune symbolisent les feuilles qui changent de couleurs à l’automne. Le blanc de sa coiffe évoque, quant à lui, la neige de l’hiver. Le regard est l’instrument des ordres intérieurs ; il tue, fascine, foudroie, séduit autant qu’il s’exprime. Dame Nature pose ici son regard sur nous, considérant les spectateurs… serait-ce le conseil avisé de prendre soin de la Terre, de préserver son équilibre précaire, que nous voyons dans ses yeux ?
Pour une lecture éclairée de l’art contemporain – Dame Nature, une oeuvre de Chantale Guy expliquée par l’herméneutique de l’art – Un concept proposé par HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art – (c) Art Total Multimédia 2018
Les crayons jeunes, une oeuvre de Chantale Guy expliquée par l’herméneutique de l’art
Les crayons jeunes est une oeuvre qui représente des crayons de bois délaissés, oubliés dans le chaos de la création artistique. L’indifférence de l’existence des anciens outils de création est ainsi représentée en une oeuvre engagée qui relance la discussion autour de l’arrivée des nouvelles technologies dans l’art visuel au XXIe siècle. La création symbolise la fin du chaos par l’entrée dans l’univers d’une certaine forme, d’un ordre, d’une hiérarchie. Cette hiérarchie se retrouve dans la création artistique et débute par le dessin, cet art quasi oublié des artistes contemporains. Les nouvelles technologies offrent une relation créatrice nouvelle, malheureusement loin des outils « anciens »… comme le crayon. Ces technologies informatiques conduisent à la facilité d’exécution. Une connaissance précieuse est en train de se perdre. L’artiste en a conscience et souhaite soulever ce problème, dans un débat passionné, pour garder vivante cette connaissance « ancienne ». D’ailleurs, l’écriture n’est-elle pas liée à la connaissance ? Le bois est par excellence la matière, ce qui s’exprime jusque dans le langage populaire, héritier des traditions artisanales. En effet, les artisans façonnaient principalement le bois. Dans plusieurs traditions, dont la tradition amérindienne, le bois est un symbole de la substance universelle, la materia prima. Le bois recèle une sagesse et une science précieuse. Le bois est la source d’une régénérescence et, ce n’est pas par hasard, si l’artiste a choisi des crayons de bois pour créer son oeuvre. Le bleu, le jaune et le rouge sont trois couleurs primaires; elles sont la base de toutes les autres couleurs qui peuvent naître d’elles. Dans cette oeuvre, le bleu est délicatement représenté par un jet qui sort du néant pour asperger l’ensemble des éléments, comme pour nourrir une terre asséchée. Le jaune, intense, violent, aigu jusqu’à la stridence est difficile à éteindre. Il est le véhicule de la jeunesse, de la force. Le rouge, omniprésent, sous-tend l’oeuvre en elle-même. Il est l’image du feu ardent, de la force impulsive, de la jeunesse qui pourrait reprendre les crayons de bois délaissés, oubliés, pour faire renaître un ordre nouveau dans ce chaos de la création artistique contemporaine. La prochaine génération d’artistes retournera-t-elle aux outils « anciens » pour puiser une nouvelle inspiration créatrice ?
Pour une lecture éclairée de l’art contemporain – Les Crayons jeunes, une oeuvre de Chantale Guy expliquée par l’herméneutique de l’art – Un concept proposé par HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art – (c) Art Total Multimédia 2017
Emergence de la nature en couleur, une oeuvre de Chantale Guy expliquée par l’herméneutique de l’art
Emergence de la nature en couleur est une oeuvre qui présente une femme dont la moitié du visage est ombré de couleurs. La dualité est ici représentée par la réflexion intérieure dont l’équilibre est menacé. D’une part, à gauche, de mauvais augure, d’autre part, à droite, de bon augure. Cette notion vient tout droit de la connaissance ancienne plaçant la gauche à l’Est et la droite à l’Ouest, dans le sens de la marche du soleil. Chez les Amérindiens, l’effigie de la divinité suprême était flanquée à sa droite du dieu Soleil, à sa gauche de la déesse Lune. La dualité diurne-nocturne trouve également des échos dans le Yin et le Yang; la droite étant Yin, féminine. Dans les traditions japonaises, la gauche est le côté de la sagesse, de la foi, de l’instinct. Ici, les couleurs indiquent, en effet, un côté spirituel. Le violet est une couleur associée à la tempérance, de lucidité et d’action réfléchie, d’équilibre entre la terre et le ciel, les sens et l’esprit, la passion et l’intelligence, l’amour et la sagesse. On retrouve cet élément dans la représentation de l’arcane XIIII du Tarot, nommé La Tempérance, représentant un ange qui tient dans ses mains deux vases, l’un bleu, l’autre rouge, entre lesquels s’échange un fluide incolore, l’eau vitale. Approfondissant cette interprétation, le violet est la couleur du secret. Il s’y opère une transformation, donc une évolution. La femme en forêt regarde droit devant elle, sans sourciller, déterminée, volontaire. La forêt, véritable sanctuaire pour les Amérindiens, est un état naturel. L’arbre peut être considéré, en tant que symbole de vie, comme un lien, un intermédiaire entre la terre où il plonge ses racines et la voûte du ciel qu’il rejoint de sa cime. A la fois génératrice et angoissante, la forêt est un lieu de refuge pour vivre des réflexions plus profondes. Ici, l’artiste rejoint, dans une oeuvre dépouillée de tout artifice, l’esprit de ses ancêtres amérindiens. L’artiste a voulu transmettre la réflexion sur cette dualité qui est en chacun de nous. Où débute l’ombre où s’arrête la lumière en nous ? Voilà une vaste réflexion intérieure.
Pour une lecture éclairée de l’art contemporain – Emergence de la nature en couleur, une oeuvre de Chantale Guy expliquée par l’herméneutique de l’art – Un concept proposé par HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art – (c) Art Total Multimédia 2017
Le Trio, une oeuvre de Chantale Guy expliquée par l’herméneutique de l’art
Le Trio est une oeuvre qui représente un envol d’oies blanches au-dessus d’un point d’eau aux abords d’une forêt dont on distingue quelques bouleaux blancs, une essence d’arbres très répandue dans la partie Sud du Québec, mais pas forcément dans la région plus nordique où vit l’artiste. Les bouleaux blancs apparaissent tels des êtres célestes dans la forêt boréale canadienne. Les couleurs utilisées suggèrent néanmoins l’automne: la période du départ des oies migratrices. La symbiose de l’abstrait et du figuratif dans cette composition picturale est un adroit mariage des genres. Elle symbolise l’union des âmes, la fécondité et la descente des âmes dans la matière. L’âme, enfin libérée, prend paisiblement son vol. Les arbres blancs également épanouis dans le monde d’en haut par leurs feuilles et dans le monde d’en bas par leurs racines, en sont les témoins muets. Cet oiseau migrateur symbolise l’aventure de l’âme humaine. Le regard se porte sur ce trio blanc, au centre de l’oeuvre, s’élançant gracieusement dans un rideau rouge dont la couleur, ici utilisée, est universellement considérée comme le symbole fondamental du principe de vie, avec sa force, sa puissance et son éclat. La succession des saisons, comme celle des phases de la lune, scande le rythme de la vie, les étapes d’un cycle de développement, l’alternance cyclique et les perpétuels recommencements de la vie.
Textes écrits par HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art (herméneutique de l’art) – avril 2017
Pour une lecture éclairée de l’art contemporain – Trio, une oeuvre de Chantale Guy expliquée par l’herméneutique de l’art – Un concept proposé par HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art – (c) Art Total Multimédia 2017